La musique pour résister à la déportation

Par Elsa Sékula, Elisa Segretin , Paloma Vidal et Carla Rouard

Quand on parle de résistance dans les camps de concentration, on parle de survie et de rester humain. C’est ce qu’a permis la musique. 

L’usage de la musique dans les camps de concentration est tout d’abord initié par les autorités des camps dès 1933. On parle ici de musique  « contrainte », jouée sur ordre par des orchestres de détenus. Son second usage est celui fait par les détenus de manière spontanée. Autorisée par les responsables de bloc ou parfois clandestine, la musique apparaît comme un facteur psychologique de survie. 

Pour se procurer des instruments de musique les déportés pouvaient demander exceptionnellement de l’aide à l'extérieur mais pouvaient aussi les fabriquer sur place. Par ailleurs l'orchestre pouvait obtenir des partitions issues des effets personnels des déportés stockés dans l'Effektenkammer. Il arrivait aussi que des SS fournissent eux-mêmes des partitions qu'ils voulaient entendre interpréter

L'orchestre a pour mission première de jouer pour le commandant et pour les invités officiels. Afin de couvrir les cris des victimes, les musiciens devaient se réunir pour jouer à proximité des chambres à gaz. Le deuxième objectif est de mettre en place des marches militaires à l'entrée et à la sortie du camp, pour permettre aux SS de faire des vérifications comme par exemple compter. De plus, jouer lors des punitions et des exécutions, donner des concerts pour les SS et jouer dans les divertissements privés des SS était l'activité principale des orchestres dans les camps. Ils dissimulaient la réalité de la vie des camps de concentration.

Par ailleurs, le fait d'avoir un orchestre dans un camp de concentration entraîne des rivalités entre les commandants des différents camps, car cela est perçu comme un honneur.


La plupart du temps, les traitements pour les musiciens étaient souvent plus avantageux que ceux pour les autres prisonniers.

Des membres de l’orchestre de femmes d’Auschwitz, dirigées par Alma Rosé, se sont battues pour obtenir de meilleures conditions de vie. Elles pouvaient faire leur répétition en intérieur et non en extérieur. Elles avaient la possibilité de repos en journée, elles disposaient d’une douche par semaine, bénéficiaient de draps changés toutes les semaines,  d’un pain pour 4.

La chance de survie pour les musiciens est plus élevée grâce à leur meilleure forme psychique et physique. Cependant les hommes et les femmes des orchestres n’avaient pas plus de valeur que les autres prisonniers. Ils ne devaient la vie qu’au fait de savoir manier un instrument et au désir de musique des nazis. Ils étaient avant tout des prisonniers et/ou des Juifs.

La musique est perçue comme un outil de torture. Elle se répète tous les jours, matin, midi et soir, scandant la vie des déportés. Elle suivait les détenus à chacun des moments de leurs journées, du réveil à parfois leur exécution.Des haut-parleurs diffusaient de la musique pour rééduquer les déportés et les priver de sommeil. Ils étaient contraints à chanter sous peine de sanction . Ils avaient le devoir de fredonner ces airs de musique en étant abattus .

Les musiciens ont subi de lourdes conséquences de l'effet de la musique, car ils ont eu l'impression d'avoir été manipulés par la machine de mort, ce qui leur laissera des séquelles.


Outil de torture pour les officiers nazis, outil de résistance clandestine pour les détenus. Dans les dortoirs, certains orchestres s’organisent.


Ils mènent parfois des concerts de blocs en blocs pour redonner du courage.Les Juifs ont la possibilité de prier grâce à la musique, car ils n’ont pas le droit de pratiquer leur religion.

Certains chants sont détournés de leur sens initial, le plus connu étant Le Chant des Marais. Devenu après la guerre le chant de mémoire de tous les déportés, cette partition composée en 1933 par un détenu communiste raconte la mélancolie d’un soldat qui espère, un jour, retourner chez lui. Jouée dans un des premiers camps de concentration, elle rencontre un grand succès, notamment chez les SS qui s’identifient aux paroles sans se douter du vrai message. Un écho qui diffuse Le Chant des Marais à travers les autres camps, d’Allemagne et d’Europe. 


Ainsi la musique est un moyen de montrer la résistance et de préserver l'humanité face à l'horreur de la situation. Les prisonniers utilisaient la musique pour exprimer leur souffrance, leur espoir et leur solidarité. Elle leur permettait de maintenir un semblant de normalité et de dignité dans des conditions inhumaines. Elle restera gravée dans leur mémoire et leur remémorera ces années d'horreur .

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